Les uniques du Jardin botanique (2e partie)
© Jardin botanique de Montréal (Lise Servant)
Parmi les collections du Jardin botanique de Montréal, certains arbres ont été acquis très tôt dans l’histoire de l’institution. D’autres se sont établis par eux-mêmes sur le site, par hasard, sans se douter qu’ils feraient un jour partie des quelque 225 000 plantes enregistrées dans les collections du Jardin. Chaque arbre, indigène ou introduit d’ailleurs, a sa petite histoire. En voici quelques-unes. (2e partie)
L’arbre s’étant le plus distingué pour sa capacité à survivre après un traumatisme grave est sans contredit le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica) du Jardin des plantes médicinales. Introduit au Jardin en 1939, cet arbrisseau a toujours eu une couronne très ouverte, en forme de pyramide inversée. Mal lui en prit, car cela l’a rendu extrêmement vulnérable aux intempéries. Et, à la suite du grand verglas il y a quelques années, c’est justement ce qui lui est arrivé. Voilà le pauvre nerprun complètement affaissé, tel une pyramide inversée écrasée, ses grosses branches étalées sur le sol. Nous avons jonglé entre la décision de l’éliminer ou de le conserver. Nous avons finalement décidé d’intervenir, à coup de boulons, de ridoirs, de tiges et de haubans d’acier. Acharnement thérapeutique, ont crié certains spécialistes, qui voyaient là une honte à l’intégrité de l’arbre. En effet, une fois le travail effectué, l’arbre avait l’allure d’un pantin à fils. Mais il a repris vie, et, près de dix ans plus tard, il faut admettre qu’il ne se porte pas si mal, même avec toutes ses vis. Lorsque, à la suite d’une tempête de vent à l’automne dernier, un immense frêne est tombé de tout son poids à quelques centimètres à peine de ce pauvre nerprun, j’ai cru le voir me faire un clin d’œil... Veinard!
En 2006, le Jardin botanique célébrait son 75e anniversaire. L’Institution en a profité pour se refaire une beauté en réaménageant son entrée principale et en installant la statue du frère Marie-Victorin. Ces travaux ont malheureusement, et non sans grande tristesse, entraîné l’élimination de quelques arbres. Un phellodendron (Phellodendron lavallei), une espèce peu commune dans notre paysage, a fait l’objet de nombreuses discussions. Indigène des régions tempérées de Chine, les phellondendrons appartiennent à la famille des Rutacées, la famille des orangers! Planté en 1963 au Jardin botanique, le phellodendron mesure aujourd’hui un peu plus de 8 mètres de haut ayant à peu près atteint sa taille maximum. Croyant que les travaux de réaménagement lui causeraient inévitablement des dommages, nous avons décidé de le déménager pour le replanter dans un autre secteur du Jardin. Les préparatifs de transplantation ont été effectués selon les règles de l’art, nécessitant plusieurs heures de travail pour créer une gigantesque motte de terre afin de limiter les dommages aux racines. L’arrachage et le transport de l’arbre ont été faits avec grand soin le 4 mai 2006, sous les applaudissements des curieux rassemblés pour l’événement.
L’arbre a été relocalisé un peu plus loin sur le parterre avant, à gauche du pavillon administratif. Il est maintenant dans son nouvel emplacement, après avoir connu, par chance, un été très pluvieux qui pourrait avoir adouci le choc de la transplantation. Notre phellodendron semble s’être remis du choc de transplantation et apprécier son nouvel emplacement : à l’été 2009, il continuait de bien se porter.
Texte de Michel Labrecque, conservateur au Jardin botanique de Montréal.
Adapté du Quatre-Temps par Mathieu Lanteigne-Cauvier
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